Mieux connaître pour protéger. Les inventaires et suivis permettent d'évaluer le site afin d'ajuster sa gestion au fil des ans.
Les inventaires et suivis scientifiques sont l’une des missions attribuées au Parc sur la Réserve. Des campagnes de terrain sont organisées chaque année. Leurs bilans permettent d’évaluer et d’ajuster la gestion du site.

« Etudier la faune et la flore permet d’améliorer nos connaissances sur la biodiversité. Sans connaissance pas d’actions » explique Julia Hégédus, chargée de mission au Parc en charge de la Réserve. « Mieux connaître les espèces végétales et animales qui occupent la Réserve nous permet de mieux comprendre le fonctionnement des écosystèmes qu’elle abrite et comment les espèces interagissent entre elles. Cette meilleure compréhension nous permet d’agir pour la conservation de ce patrimoine naturel en mettant en place des actions adaptées de protection et de restauration des milieux. Les suivis scientifiques permettent aussi de suivre l’état de la biodiversité sur du long terme »
Ils peuvent par exemple prendre la forme d’un inventaire ponctuel, pour améliorer les connaissances sur un groupe d’espèces en particulier, comme les orthopthères (voir par ailleurs), ou être un protocole que l’on reproduit à l’identique sur les mêmes sites chaque année (ou à un pas de temps donné) afin de pouvoir comparer les résultats. Et ainsi commencer à mesurer une évolution. Selon les constatations, des actions de gestion sont planifiées dans le plan de gestion du site.

C’est donc dans ce cadre que les trois campagnes de terrain suivantes ont été menées en 2023.
 
Suivi amphibiens. Ce suivi est réalisé tous les deux ans depuis 2014 et concerne une dizaine de points d’eau (mares et étangs). Objectif : mesurer la tendance d’évolution des différentes espèces d’amphibiens. Ce suivi s’inscrit dans le cadre du protocole nationale, POP Amphibien (lien : http://lashf.org/popamphibien-2/). 945 sites de reproduction d’amphibiens font l’objet de ce suivi en Normandie. Le dernier bilan, en date de 2019, est alarmant, puisque ¼ des populations suivies a disparu en moins de 15 ans, notamment dans les espaces non protégés (https://www.anbdd.fr/publication/__trashed/).
« Dans la Réserve, le déclin est moindre, mais certaines espèces semblent souffrir du manque d’eau printanier » indique Aurélie Tran Van Loc. C’est le cas de la Grenouille rousse, espèce classée « en danger » en Normandie car elle pond ses œufs dans des eaux très peu profondes (prairies inondées, ornières). La restauration de zones humides, à l’image des travaux conduits dans la mégaphorbiaie, ou la création de points d’eaux tels que les mares visent à renforcer ces populations fragiles.
 
Inventaire orthoptères (criquets, sauterelles, grillons…). Cet inventaire a été mené pour la première fois cette année dans l’objectif d’améliorer la connaissance sur la Réserve. « Il s’agit d’un groupe assez important pour mesurer l’état de santé des milieux » explique Valentin Vautrain, chargé d’étude faune. « Les orthoptères sont de bons indicateurs. Ils sont assez sensibles, notamment à la structuration de la végétation et donc à la gestion qui est menée. Le suivi a été mené de juillet à septembre. Il nous reste quelques données à compléter mais nous avons eu la chance de remarquer une espèce patrimoniale très rare : le criquet des roseaux. Sur les 15 dernières années, il n’y a eu que deux observations sur l’Orne. ».

Suivi flore. Réalisé tous les cinq ans, ce suivi poursuit plusieurs objectifs. Il s‘agit notamment d’évaluer l’évolution de la végétation sur les sites où il y a eu des travaux de gestion (afin de mesurer la pertinence de ces travaux par rapport à la conservation des habitats) ; ou encore de mesurer la dynamique de la végétation pour savoir si une action de gestion (entretien, restauration) est nécessaire. Enfin, ce suivi permet d’observer plus précisément l’évolution de la population d’une espèce patrimoniale. C’est notamment le cas pour le rossolis à feuilles rondes (Drosera rotundifolia). Le régime alimentaire carnivore de cette petite plante la rend particulièrement originale. Ses feuilles en rosettes sont couvertes de gouttelettes de glue qui piègent les insectes qui s’y posent. Les feuilles s’enroulent et les digèrent, produisant ainsi de la matière organique assimilable par la plante. Elle s’installe uniquement en habitat tourbeux acide. Ses exigences écologiques strictes font du rossolis une plante rare, patrimoniale, à surveiller.
 
Quelques principes de suivis

Selon la taille et le site étudié, les agents disposent de plusieurs façons de procéder pour mettre en place un suivi. On appelle cela un protocole. Pour la flore, les agents peuvent par exemple mettre en place un système de quadrats pour caractériser un habitat : « On repère un endroit homogène au sein de l’habitat à étudier puis on délimite une surface en forme de carré. Dans ce carré, on inventorie chaque espèce végétale ». Les techniciens peuvent également utiliser la méthode du transect. Cette fois, c’est une ligne qui est « tracée » et le recensement s’établit de part et d’autre de cette ligne. Cela permet d’avoir une représentation de l’évolution de la végétation. Afin d’avoir le plus possible de critères d’observations sur la flore, ces suivis sont généralement programmés au moment où la phénologie (le cycle) des plantes est la plus avancée : feuillaison, floraison, fructification …

« L’une des victimes les plus sévères de
la révolution industrielle »

Quels ont été les effets des activités sylvicoles et métallurgiques sur la clairière forestière de Bresolettes ? Comment ont-elles impactées les paysages, les étangs… ?
Pour lever le voile sur ce pan d’histoire locale assez méconnu, le Parc a accueilli, de mai à août, Loïc Baribaud. Étudiant en licence professionnelle « Environnement, agriculture, paysage et territoires ruraux », le jeune stagiaire livre ici une synthèse de son rapport pour le moins qualitatif.

Etude historique de la Réserve Naturelle Régionale « clairière forestière de Bresolettes »
Élément authentique du territoire rural, la clairière forestière de Bresolettes constitue un témoin sensible de l’évolution environnementale percheronne. Déjà occupée durant la période médiévale, celle-ci a su conserver les traces de son organisation du XVIème siècle, dont les restes de son ancienne maison seigneuriale, sa composition agraires et son remarquable chapelet d’étangs. Bresolettes a également enregistré la seconde vague d’implantation d’infrastructures métallurgiques percheronnes durant la seconde moitié du XVIIème siècle, sous l’impulsion de la réformation colbertiste. Ce développement marquera la plus forte activité anthropique connu par la commune. Le XIXème siècle fera de la clairière l’une des victimes les plus sévères de la révolution industrielle, entrainant l’exode de près de 90% de la population locale. De par sa situation et son évolution forestière, agricole, patrimoniale, le paysage de Bresolettes constitue une véritable archive historique de la région du Perche.
Suite à ses recherches aux archives de l’Orne, Loïc a mené un travail de reconstitution historique rendu complexe par le faible nombre de documents conservés témoignant des activités humaines passées. La tradition orale et les nombreux conflits antérieurs au XVe siècle ont eu raison des traces manuscrites précédant cette période. Souvent d’ordre anecdotique, les archives encore consultables ont tout de même permis à Loïc de tenter de retracer l’évolution de la gestion sylvicole du massif du Perche et de la Trappe, la création des étangs présents au cœur de la clairière, ainsi que l’essor et le déclin de l’activité métallurgique à Bresolettes. Son mémoire, consultable en ligne (voir lien ci-dessous) sera prochainement valorisé à travers une publication et un affichage.
 

Au fil des ans, ces inventaires ont permis de recenser une grande variété d'espèce faunistisque ou floristique : 

  • plus de 415 espèces de plantes
  • 95 espèces de mousses
  • 78 espèces de lichens
  • 28 espèces de champignons
  • 11 espèces d’amphibiens
  • 16 espèces de chiroptères (chauves-souris)
  • 87 espèces d’oiseaux
  • plus de 300 espèces d’insectes...