Laisser vivre les parasites pour sauver les abeilles !

Connaissez-vous le Varroa destructor ? Ce petit acarien importé d'Asie dans les années 1980 ravage et décime les colonies d'abeilles partout en Europe, contribuant ainsi à leur déclin accéléré. Une fois à l'intérieur des ruches, qu'il infiltre en s'accrochant sur le dos des abeilles, il affaiblit peu à peu les individus en se nourrissant de leur hémolymphe (équivalent du sang chez les invertébrés) de leurs acides gras, mais aussi des larves et des nymphes ! Les abeilles ainsi affaiblies deviennent alors plus sensibles aux virus et infections, et la capacité de reproduction des colonies est grandement diminuée. D'après les chercheurs, 5 % d’abeilles infectées suffisent pour condamner l'ensemble de la colonie...

Pour lutter contre ce parasite, les apiculteurs sont contraints de recourir à des produits chimiques dont la toxicité est avérée et qui ne sont malgré tout pas toujours efficaces... Cette méthode fait peser une pression chimique supplémentaire aux abeilles déjà fortement menacées par les pesticides, décourageant même certains apiculteurs à passer en bio.

Vivre et laisser mourir ?

Un paysage bien sombre pour les abeilles européennes, et particulièrement pour notre abeille noire locale, déjà fortement menacée par les métissages. Mais heureusement, des solutions existent ! Depuis le début des années 2000, des chercheurs sont sur la piste d'une méthode naturelle qui pourrait non pas faire disparaître le parasite... mais permettre aux abeilles de vivre avec. En effet, suite à plusieurs études menées en Europe et aux Etats-Unis, il apparaît que les abeilles sauvages, adaptées depuis des milliers d'années à leur environnement et aux conditions climatiques locales, parviennent à cohabiter sans danger avec le varroa. Une seule condition néanmoins : aucune pression extérieure ne doit peser sur la colonie. En somme, les abeilles doivent disposer de suffisamment de ressources alimentaires, être protégées de l'hybridation et des pesticides, et subir le moins possible d'interventions humaines. Aucune perturbation ne doit avoir lieu afin que le processus de survie puisse rester sauvage et naturel.

Cela implique de laisser les abeilles réagir seules face au varroa, et donc d'en laisser une grande partie mourir. Mais au bout de quelques années, les études ont montré que la relation entre l'hôte et le parasite arrive à un équilibre et que petit à petit, ce dernier devenant moins virulent, le taux de mortalité des abeilles chute et l'essaimage augmente. Le leitmotiv : faire confiance à la sélection naturelle et laisser l'évolution faire son oeuvre !

"La boîte noire à abeilles de Darwin"

C'est ce processus naturel que des chercheurs des Pays-Bas veulent expérimenter dorénavant sur les abeilles domestiques. Ils souhaitent proposer aux apiculteurs de suivre un protocole précis consistant à mener un certain nombre d’interventions sur leurs colonies au fil de l’année. Ces interventions permettront d'accélérer le processus d’évolution et d'adaptation des abeilles avec les combinaisons génétiques les mieux adaptées. D'après eux, ce processus qui aurait pu prendre des dizaines d’années en temps normal pourrait montrer ses premiers effets au bout de quatre ans seulement !

Ce projet scientifique prometteur nommé Darwin’s Black Bee Box (la boîte noire à abeilles de Darwin en français) a suscité l'intérêt de quatre conservatoires d’abeilles noires de la Fédération européenne des Conservatoires de l'abeille noire (FEdCAN), dont le Conservatoire de l'abeille noire de l'Orne, créé par le Centre d'études techniques apicoles (CETA) de l'Orne et installé à la Maison du Parc. Ce Conservatoire oeuvre déjà depuis 2015 pour la protection et la pureté génétique de notre Apis mellifera mellifera locale, grâce à la création d'une zone tampon la préservant des autres colonies importées. Avec le protocole Darwin's Black Bee Box, le Conservatoire s'engage dans une nouvelle étape vers le repeuplement progressif d'abeilles noires dans le Perche... mais encore plus résistantes !

En savoir plus sur le protocole Darwin's Black Bee Box