Réserve de Bresolettes : retour sur l'année 2023

Chaque fin d’année est l’occasion de dresser le bilan sur les nombreuses actions menées par le Parc. Sur la Réserve naturelle régionale (RNR) de la Clairière forestière de Bresolettes, cogérée par l'ONF et le Parc depuis sa création en 2010, actions de restauration et d'entretien des milieux naturels, de pédagogie et de suivis scientifiques ont rythmé l’année. Retour en images et en texte
 

Favoriser des techniques
de gestion douce

Dans son rôle de co-gestionnaire de la réserve naturelle régionale de la Clairière forestière de Bresolettes, le Parc a en charge une partie des 757 hectares du site, notamment sur les parcelles privées (684 hectares de forêt domaniale et 73 hectares de terrains privés).
C’est dans le cadre de sa mission d’entretien qu’un chantier de débardage à cheval a été programmé à la mi-septembre sur une mégaphorbiaie, située au lieu-dit la Cherchinerie. « Nous sommes sur un milieu très humide, composé d’herbacées de grandes tailles et qui, pour être bien géré, doit rester ouvert pour ne pas se transformer en milieux forestiers, le but étant de diversifier les habitats » explique Julia Hégédus, chargée de mission en charge de la Réserve avant de poursuivre : « Cet espace est difficile d’accès et, pour mener ce chantier, nous avons opté pour une solution qui limite l’empreinte écologique et atténue son impact sur le milieu ». Après s’être plié aux procédures des marchés publics, c’est l’entreprise « Aux coul’Eure du cheval » basée au Gros Theil dans l’Eure qui a été retenue.
Durant deux semaines, la responsable Sylvie Dévigne a conduit ses deux chevaux à tour de rôle afin de dégager le terrain d’aulnes, de saulnes, de bouleaux… Un réel labeur qui aura nécessité en partie l’utilisation de poulies afin de décupler la force des chevaux ; l’entreprise de terrassement Bruno. Dassé (Neuilly-sur-Eure) sera par ailleurs intervenue afin d’arracher quelques souches récalcitrantes. Au final, environ 8 000 m² ont ainsi été ré-ouverts au profit de la diversité des habitats et donc de la diversité des espèces.
 
Un second chantier afin de remettre la zone en lumière
 
Au mois d’octobre, un second chantier d’entretien s’est tenu dans la réserve, plus particulièrement sur l’étang de la Forge. « Il s’agissait de couper la végétation ligneuse en bordure afin de rouvrir une partie des berges ou des fourrés de saules avaient gagné sur l’étang. L’objectif était de remettre la zone en lumière afin que la végétation, plus herbacée, puisse se développer et ainsi attirer plus d’espèces » explique Aurélie Tran Van Loc, chargée de mission biodiversité. Pour la réalisation, c’est l’entreprise de travaux forestiers Thierry Bourré qui a été retenue.
Le chantier s’est déroulé sur deux jours avec un sécateur sur pelle à chenilles. Cet engin peu impactant pour le sol permet de réaliser une coupe sélective suivie d’une mise en andains rapide en bordure d’étang. Les bois tendres ainsi coupés devraient à présent attirer une cohorte de décomposeurs, parmi lesquels insectes et champignons.

 

Inventaires et suivis scientifiques : mieux connaître pour protéger

Les inventaires et suivis scientifiques sont l’une des missions attribuées au Parc sur la Réserve. Trois campagnes de terrain ont été organisées en 2023. Leurs bilans permettront, par la suite, d’évaluer et d’ajuster la gestion du site.
 
« Etudier la faune et la flore permet d’améliorer nos connaissances sur la biodiversité. Sans connaissance pas d’actions » explique Julia Hégédus, chargée de mission au Parc en charge de la Réserve. « Mieux connaître les espèces végétales et animales qui occupent la Réserve nous permet de mieux comprendre le fonctionnement des écosystèmes qu’elle abrite et comment les espèces interagissent entre elles. Cette meilleure compréhension nous permet d’agir pour la conservation de ce patrimoine naturel en mettant en place des actions adaptées de protection et de restauration des milieux. Les suivis scientifiques permettent aussi de suivre l’état de la biodiversité sur du long terme »
Ils peuvent par exemple prendre la forme d’un inventaire ponctuel, pour améliorer les connaissances sur un groupe d’espèces en particulier, comme les orthopthères (voir par ailleurs), ou être un protocole que l’on reproduit à l’identique sur les mêmes sites chaque année (ou à un pas de temps donné) afin de pouvoir comparer les résultats. Et ainsi commencer à mesurer une évolution. Selon les constatations, des actions de gestion sont planifiées dans le plan de gestion du site.
C’est donc dans ce cadre que les trois campagnes de terrain suivantes ont été menées cette année.

Suivi amphibiens. Ce suivi est réalisé tous les deux ans depuis 2014 et concerne une dizaine de points d’eau (mares et étangs). Objectif : mesurer la tendance d’évolution des différentes espèces d’amphibiens. Ce suivi s’inscrit dans le cadre du protocole nationale, POP Amphibien (lien : http://lashf.org/popamphibien-2/). 945 sites de reproduction d’amphibiens font l’objet de ce suivi en Normandie. Le dernier bilan, en date de 2019, est alarmant, puisque ¼ des populations suivies a disparu en moins de 15 ans, notamment dans les espaces non protégés (https://www.anbdd.fr/publication/__trashed/).
« Dans la Réserve, le déclin est moindre, mais certaines espèces semblent souffrir du manque d’eau printanier » indique Aurélie Tran Van Loc. C’est le cas de la Grenouille rousse, espèce classée « en danger » en Normandie car elle pond ses œufs dans des eaux très peu profondes (prairies inondées, ornières). La restauration de zones humides, à l’image des travaux conduits dans la mégaphorbiaie, ou la création de points d’eaux tels que les mares visent à renforcer ces populations fragiles.
 
Inventaire orthoptères (criquets, sauterelles, grillons…). Cet inventaire a été mené pour la première fois cette année dans l’objectif d’améliorer la connaissance sur la Réserve. « Il s’agit d’un groupe assez important pour mesurer l’état de santé des milieux » explique Valentin Vautrain, chargé d’étude faune. « Les orthoptères sont de bons indicateurs. Ils sont assez sensibles, notamment à la structuration de la végétation et donc à la gestion qui est menée. Le suivi a été mené de juillet à septembre. Il nous reste quelques données à compléter mais nous avons eu la chance de remarquer une espèce patrimoniale très rare : le criquet des roseaux. Sur les 15 dernières années, il n’y a eu que deux observations sur l’Orne. ».

Suivi flore. Réalisé tous les cinq ans, ce suivi poursuit plusieurs objectifs. Il s‘agit notamment d’évaluer l’évolution de la végétation sur les sites où il y a eu des travaux de gestion (afin de mesurer la pertinence de ces travaux par rapport à la conservation des habitats) ; ou encore de mesurer la dynamique de la végétation pour savoir si une action de gestion (entretien, restauration) est nécessaire. Enfin, ce suivi permet d’observer plus précisément l’évolution de la population d’une espèce patrimoniale. C’est notamment le cas pour le rossolis à feuilles rondes (Drosera rotundifolia). Le régime alimentaire carnivore de cette petite plante la rend particulièrement originale. Ses feuilles en rosettes sont couvertes de gouttelettes de glue qui piègent les insectes qui s’y posent. Les feuilles s’enroulent et les digèrent, produisant ainsi de la matière organique assimilable par la plante. Elle s’installe uniquement en habitat tourbeux acide. Ses exigences écologiques strictes font du rossolis une plante rare, patrimoniale, à surveiller.

 
Quelques principes de suivis

Selon la taille et le site étudié, les agents disposent de plusieurs façons de procéder pour mettre en place un suivi. On appelle cela un protocole. Pour la flore, les agents peuvent par exemple mettre en place un système de quadrats pour caractériser un habitat : « On repère un endroit homogène au sein de l’habitat à étudier puis on délimite une surface en forme de carré. Dans ce carré, on inventorie chaque espèce végétale ». Les techniciens peuvent également utiliser la méthode du transect. Cette fois, c’est une ligne qui est « tracée » et le recensement s’établit de part et d’autre de cette ligne. Cela permet d’avoir une représentation de l’évolution de la végétation. Afin d’avoir le plus possible de critères d’observations sur la flore, ces suivis sont généralement programmés au moment où la phénologie (le cycle) des plantes est la plus avancée : feuillaison, floraison, fructification …

« L’une des victimes les plus sévères de la révolution industrielle »

Quels ont été les effets des activités sylvicoles et métallurgiques sur la clairière forestière de Bresolettes ? Comment ont-elles impactées les paysages, les étangs… ?
Pour lever le voile sur ce pan d’histoire locale assez méconnu, le Parc a accueilli, de mai à août, Loïc Baribaud. Étudiant en licence professionnelle « Environnement, agriculture, paysage et territoires ruraux », le jeune stagiaire livre ici une synthèse de son rapport pour le moins qualitatif.
 
Etude historique de
la Réserve Naturelle Régionale « clairière forestière de Bresolettes »

Élément authentique du territoire rural, la clairière forestière de Bresolettes constitue un témoin sensible de l’évolution environnementale percheronne. Déjà occupée durant la période médiévale, celle-ci a su conserver les traces de son organisation du XVIème siècle, dont les restes de son ancienne maison seigneuriale, sa composition agraires et son remarquable chapelet d’étangs. Bresolettes a également enregistré la seconde vague d’implantation d’infrastructures métallurgiques percheronnes durant la seconde moitié du XVIIème siècle, sous l’impulsion de la réformation colbertiste. Ce développement marquera la plus forte activité anthropique connu par la commune. Le XIXème siècle fera de la clairière l’une des victimes les plus sévères de la révolution industrielle, entrainant l’exode de près de 90% de la population locale. De par sa situation et son évolution forestière, agricole, patrimoniale, le paysage de Bresolettes constitue une véritable archive historique de la région du Perche.
Suite à ses recherches aux archives de l’Orne, Loïc a mené un travail de reconstitution historique rendu complexe par le faible nombre de documents conservés témoignant des activités humaines passées. La tradition orale et les nombreux conflits antérieurs au XVe siècle ont eu raison des traces manuscrites précédant cette période. Souvent d’ordre anecdotique, les archives encore consultables ont tout de même permis à Loïc de tenter de retracer l’évolution de la gestion sylvicole du massif du Perche et de la Trappe, la création des étangs présents au cœur de la clairière, ainsi que l’essor et le déclin de l’activité métallurgique à Bresolettes. Son mémoire, consultable en ligne (voir lien ci-dessous) sera prochainement valorisé à travers une publication et un affichage.
 

Des animations pour sensibiliser petits et grands

Le Parc porte aussi des missions de sensibilisation auprès du grand public. Des rendez-vous sont programmés dans ce but, au fil des mois. Cette année trois animations ont réunis une cinquantaine de personnes. A commencer par une promenade crépusculaire afin de célébrer la journée des Réserves, le samedi 27 mai ; l’occasion a été prise de ressentir les profonds changements qui marquent la nature lorsque la nuit s’installe… Le 24 juin, une sortie « découverte des coccinelles » a ensuite ravi jeunes et moins jeunes. Ce jour-là, les participants ont aussi eu la chance de pouvoir participer à l'atlas des coccinelles du Grand Ouest (http://atlas-coccinelles.gretia.org/) ; au côté de nos partenaires du Groupe d’ETudes sur des Invertébrés Armoricains (GRETIA) et Office National des Forêts. Enfin le 18 août, c’est une recherche « de petites bêtes » qui a animé le site avec l’Association Faune et Flore de l’Orne. Insectes, araignées cloportes, mille-pattes… entre forêts et étangs où comment comprendre les interactions entre écosystèmes différents.
 
Les actions du Parc sur la réserve naturelle régionale (RNR) de la Clairière forestière de Bresolettes sont financées par :